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Quelques extraits de "Confessions d'une religieuse", sorti quelques jours après le décès de Soeur Emmanuelle, pour bien comprendre sa sexualité.
Comment et à quelle occasion ai-je commencé à me masturber, je ne m’en souviens pas. Je pensais que ce n’était pas bien, puisque je le faisais en cachette et plus volontiers à l’école, où je me croyais plus en sûreté.
Mais la maîtresse s’en aperçut et prévint ma mère. Un jour, les joues en feu, je me trémoussais en classe et subitement je l’ai vue me regarder sévèrement à travers la vitre de la porte. Elle m’expliqua ensuite que c’était vilain pour une petite fille et que je ne devais plus recommencer.
Mais c’était devenu une habitude et je n’étais guère accoutumée à obéir. Quand l’assaut du désir m’assaillait, seule quelque présence étrangère avait le pouvoir de m’arrêter, sinon je
m’avouais impuissante devant l’avidité du plaisir."
"Mon âme s'évadait d'une chair prête à devenir l'amante possédée et possessive. Je me sentais soudain libre, libre : corps, cœur, volonté", écrit-elle. Elle admet son attirance pour la
sensualité, pour le sexe, pour la chair. La réhabilitation de la sexualité par sœur Emmanuelle ?
Avant le XVIIIe siècle, la masturbation ne posait pas de problème à l'Eglise
Mais j'avais déjà dit que le commandement du Christ, "Aimez-vous les uns les autres" ne devait probablement pas être compris purement métaphoriquement. Et pour cause...
En deux mille ans (pour faire simple) de chrétienté, on compte à peine plus de deux cents ans d'interdits réels de la masturbation. Thomas Laqueur dans son ouvrage "Le Sexe en solitaire :
contribution à l’histoire culturelle de la sexualité, Gallimard, 2005", consacre une centaine de page à expliquer, comme le dit Françoise Blum, qu’avant le XVIIIe siècle, on ne parlait
pas de l’onanisme.
Le sujet ne faisait pas débat et n’inquiétait personne. La domestication de cette infime partie de nos plaisirs est advenue peu avant la Révolution française.
La position officielle de l'Eglise a toujours été la condamnation du plaisir en dehors du cadre reproductif, mais la masturbation n’a intégré le corpus des interdits (sodomie,
homosexualité, etc.) qu’assez tardivement, à la suite de médecins laïcs (tels que le docteur Tissot, qui a popularisé cette idée en 1712), de la perte de la substance séminale, qui
conduirait à perdre son énergie vitale, d’où le nom probable d’ailleurs de « petite mort ».
Cette idée que l’on se vide de sa substance en éjaculant n’est d’ailleurs pas propre à la culture chrétienne, puisque de nombreux ouvrages asiatiques proposent des méthodes pour hommes
pour jouir sans éjaculer, afin, précisément, de ne pas perdre son énergie.
"Les frères me demandaient si je pensais à des femmes en porte-jarretelles"
Pour autant, à partir du milieu du XVIIIe siècle, l’Eglise commence à se préoccuper un peu plus des plaisirs sexuels hors mariage, y compris solitaires.
Ainsi, on voit apparaître à cette époque les cages de chasteté pour jeunes hommes et jeunes femmes, les techniques de lange de bébés pour éviter qu’ils ne se touchent, l’obligation en
début du XIXe siècle de dormir avec les mains sur les draps et les couvertures pour pouvoir surveiller les actions des uns et des autres.
De nombreux pensionnaires d'internats dans les années 50 peuvent raconter les différentes règles visant à leur interdire une sexualité sans leur expliquer de quoi il retournait. Par
exemple, un ancien pensionnaire, aujourd'hui sexagénaire, explique:
"A confesse, les frères me demandaient si je pensais à des femmes en porte-jarretelles, alors que je ne savais pas ce que c'était, ou si je me mettais un doigt dans l'anus, comme si je
pouvais avoir eu ces idées là avant qu’il ne me les souffle.
De toute façon, j'étais absout après confession, donc je recommençais tous les jours, et ça me faisait quelque chose à dire. Ça m’a fait bizarre après de me masturber sans me confesser,
j’avais pris l’habitude que les deux aillent ensemble."
Ce témoignage, se rapproche de celui de sœur Emmanuelle par l’acceptation de la masturbation, grondée comme un pêché véniel. Finalement, dans une période où l’Eglise catholique tente, à
travers notamment l’encyclique Deux Carita Est, de relier officiellement l’amour sensuel et l’amour oblatif, peut-être la masturbation est-elle en train de redevenir une affaire privée.
L’histoire ne s’est pas encore penchée sur le cas de ces hommes et femmes d’Eglise qui deviendraient écrivains érotiques à titre posthume, mais nous n’en sommes qu’aux prémices
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